20/11/2023 6 Minutes read Tech 

Intelligence artificielle et accessibilité : Retour sur la conférence A11y Paris 2023

Retour sur la Conférence A11y Paris 2023

Le 11 mai 2023, s’est tenu la conférence A11y Paris à la Maison de la Radio et de la Musique. Organisée par l’association Valentin Haüy et Tanaguru, cette conférence d’une journée consacrée à l’accessibilité numérique a réuni divers professionnels, experts du domaine et utilisateurs en situation de handicap.

Parmi les différents sujets abordés, nous avons été particulièrement interpellés par la table ronde « Intelligence artificielle et accessibilité », de laquelle ont émergé plusieurs grandes questions : Quel rôle l’IA peut-elle jouer pour pallier l’incapacité d’accéder à des informations ? Quel impact pourrait-elle avoir sur la façon dont nous exerçons nos métiers d’accessibilité ?

Dans cet article, revenons sur les principaux enseignements tirés lors de cet échange captivant.

Table ronde « Intelligence Artificielle et accessibilité »

Intervenant(e)s : Elie SLOÏM (Opquast), Philippe TROTIN (Microsoft), Frédéric HALNA (Tanaguru), Sonia CISSÉ (Linklaters)

Sommaire :

  • Qu’est-ce que l’Intelligence Artificielle (IA) ?
  • La légalité autour de l’IA (Sonia CISSÉ)
  • Usage de l’IA aujourd’hui dans le cadre de l’accessibilité (Elie SLOÏM)
  • L’IA dans une solution du marché pour soutenir l’accessibilité — le cas Microsoft (Philippe TROTIN)
  • Quel impact sur les métiers de l’accessibilité numérique ? (Frédéric HALNA)
  • Et demain ?

Qu’est ce que l’Intelligence Artificielle (IA) ?

L’IA est un ensemble de méthodes de calcul qui, combinées, permettent à une machine d’atteindre une forme d’autonomie plus ou moins importante. L’objectif ultime étant d’atteindre l’autonomie complète, voire de surpasser l’intelligence humaine.

Quatre (4) grands “types” d’IA ont été identifiés à date :

  • “Narrow AI” (IA faible) : Conçues pour des tâches simples, unitaires, répétitives
  • “General AI” (IA forte) : Conçues pour être au plus proche de l’intelligence humaine, performer des tâches complexes et multiples simultanément, prendre des décisions en toute autonomie.
  • “Artificial Superintelligence” : Conçues pour surpasser les capacités humaines.
  • “Reactive Machines” : Conçues pour répondre à des situations très spécifiques, sans capacité d’apprentissage ou de stockage

Pour référence, les outils les plus répandus aujourd’hui (ChatGPT, Bard, Copilot, Midjourney, etc…) sont considérés comme des IA faibles.

Les autres types d’IA ne sont pour l’instant qu’à l’état de la théorie.

La légalité autour de l’IA (Sonia CISSÉ)

Interrogée sur la réglementation autour de l’IA, Sonia CISSÉ nous dresse le contexte suivant :

  • Il n’y a pas de réglementation officielle spécifique à l’IA en vigueur,
  • En Europe, il y a le règlement européen sur la protection des données personnelles (RGPD/GDPR) qui couvre l’ensemble des technologies,
  • Un règlement est à l’étude, l’IA ACT. Il est prévu à l’horizon Q4 2023 et devrait couvrir, notamment, les notions d’accessibilité numérique. (https://www.artificial-intelligence-act.com/ — le 14 juin 2023 la proposition est passée en phase de négociation)
  • Enfin, l’Europe a défini une directive autour de l’IA en attendant la réglementation. Cette directive définit l’approche européenne autour de l’IA sans forcément fixer de limites claires. C’est dans ce cadre que le marché évolue aujourd’hui. (https://digital-strategy.ec.europa.eu/fr/policies/european-approach-artificial-intelligence)

La réglementation à venir va dresser les limites de ce que peut faire une IA au sens large en se basant sur ce qu’on sait des « IA faibles ».

Seront définies les contraintes et limites de chaque type et méthodes d’IA faible, tant côté technologique qu’envers les utilisatrices et utilisateurs finaux.

Autre point : La question de la propriété intellectuelle au regard de ce que génère une IA sera également abordée dans cette réglementation.

Ce qu’il est important de retirer de cette partie est :

  • Tant que la réglementation n’est pas en vigueur, se reposer sur l’IA pour produire de la valeur est risqué,
  • Les outils mis à disposition sur le marché vont devoir s’adapter à la réglementation, une fois celle-ci votée.

Usage de l’IA aujourd’hui dans le cadre de l’accessibilité (Elie SLOÏM)

Elie SLOÏM (Opquast) a réalisé une enquête un peu élargie auprès de consommatrices et consommateurs en situation de handicap divers pour s’intéresser à leur utilisation de l’IA au quotidien.

Au premier abord, ces personnes indiquaient ne pas avoir recours à ce type de solution. Puis il a proposé l’utilisation de certains outils existant aujourd’hui dont les fonctionnalités proposées ont surpris et intéressés les personnes sollicitées.

Parmi eux :

Les mises en application envisageable des technologies connues et de celles à venir semblent séduire. Et si le périmètre des IA reste encore très flou dans l’esprit des utilisatrices et des utilisateurs, la promesse que dessinent les premières solutions du marché attise l’intérêt.

Il est important de noter que dans cette partie on sort du cadre unique de l’accessibilité “numérique”, et on parle d’accessibilité globale. En effet, les solutions discutées, bien que numériques par nature, peuvent permettre de répondre à des problématiques de l’ordre de l’accessibilité générale. Par exemple : faire ses courses, converser, se repérer dans son environnement, etc…

L’IA dans une solution du marché pour soutenir l’accessibilité — le cas Microsoft (Philippe TROTIN)

De plus en plus intégrée aux différentes solutions proposées par Microsoft, l’IA est un sujet de fond pour l’entreprise et vient en support de l’accessibilité.

En effet, Philippe TROTTIN nous a expliqué que l’accessibilité repose sur 3 thématiques :

  • Le poste de travail,
  • La prise en compte par les équipes de développement,
  • Le jeu vidéo inclusif.

Microsoft s’est donc tourné vers l’implémentation de l’IA en tant que support pour ses solutions déployées, par exemple :

  • La transcription en live dans les appels Teams,
  • La traduction instantanée, accélérée par les flux migratoires important de l’actualité récente,
  • La reconnaissance vocale

Ces implémentations ont été déployées et sont d’ores et déjà disponibles et utilisées, permettant ainsi de travailler à leur amélioration au quotidien et de continuer la recherche.

De son propos, il reste encore énormément à faire avec l’IA et l’accessibilité, nous ne sommes qu’au début.

Quel impact sur les métiers de l’accessibilité numérique ? (Frédéric HALNA)

Sur cette partie Frédéric HALNA (Tanaguru) s’est proposé de répondre.

D’après son expertise, l’IA telle qu’elle existe aujourd’hui est un bon support mais ne peut pas remplacer l’humain pour ce qui est de la mise en place et de la validation de l’accessibilité numérique.

En effet, si les solutions qui existent sont remplies de promesses, elles peuvent aussi ouvrir la porte à des dérives et à des simplifications.

Prenons quelques exemples :

  • Un outil comme “Copilot” se propose d’aider à la production de code. C’est une aide au développement qui fait gagner du temps aux développeurs. Pour autant :
    – Comment cet outil intègre-t-il aujourd’hui des notions d’accessibilité numérique ?
    – Comment valide-t-il la mise en place de ces pratiques ?
  • Des outils commencent à apparaître proposant d’auditer votre plateforme et de passer en revue l’ensemble des critères WCAG 2.1 :
    – Comment cet outil gère-t-il les différents cas d’accessibilité ?
    – Comment gère-t-il la part liée au contexte utilisateur ?

Dans de nombreux cas, ce que propose l’IA à date est un bon support. Cependant l’IA n’a pas atteint l’autonomie en la matière et l’humain reste nécessaire, même essentiel.

L’argument principal évoqué se repose sur les limites de l’IA. En effet, nos modèles d’IA se reposent sur le web dans sa globalité comme source de connaissance. Or le web d’aujourd’hui n’est pas accessible.

Ainsi, le référentiel qui sert à construire nos modèles ne permet pas la réalisation de l’objectif souhaité : atteindre un degré d’accessibilité numérique acceptable. En ce sens, l’IA peut apporter des éléments de réponses mais ne doit pas être envisagée comme une source fiable.

Une autre dérive évoquée, plus business, reste la place que l’on donne à la notion d’accessibilité numérique dans le milieu numérique. Si un outil comme Copilot permet de gagner du temps sur la phase de développement, est-ce que ce temps gagné va être utilisé pour améliorer la qualité du produit final ?

Et demain ?

Évoqué en filigrane tout au long des échanges lors de la table ronde, l’évolution de l’IA dans le temps est l’objet de beaucoup de spéculations et de doutes.

Il y a quelques années, l’idée d’une IA pouvant converser avec une personne entrait dans le domaine de la science-fiction. Aujourd’hui, ce modèle existe et s’enrichit à chaque utilisation pour devenir de plus en plus pertinent.

Il est également évident que nous ne sommes qu’au début du chemin, et que la courbe de progression de cette technologie tend à être exponentielle.

Quid de l’accessibilité numérique par l’IA demain ? Les intervenant(e)s sont d’accord pour dire que la problématique du référentiel reste inchangée.

Mais si un référentiel propre est mis en place et maintenu ? Et on se projette sur des processus de validation plus complexes ?

À la question : l’IA pourra-t-elle un jour remplacer l’humain sur l’implémentation et la validation de l’accessibilité numérique ? La réponse est : pas demain, ni l’année prochaine ; Il faut cependant rester attentif aux solutions qui vont voir le jour dans la décennie à venir.

Article écrit par Guillaume Mellet (Senior Technical Consultant).

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