09/01/2025 8 Minutes read Stratégie 

Interview de Virginie Auboyer sur notre étude ekino Digital Radar 2025

Virginie, Directrice Associée d'ekino, décrypte les enseignements du Digital Radar, une étude ekino menée avec CSA auprès de 300 Chief Digital Officers. Cette étude exclusive dresse un état des lieux précis de la transformation digitale en France. Entre défis, opportunités et leviers d’action, Virginie nous guide à travers les axes essentiels pour une transformation digitale efficace et durable.

Quels sont les principaux objectifs de ce Digital Radar et ce que vous apportez à travers cette étude ?

Virginie : En tant qu’outil de mesure, cette étude permet aux entreprises de se situer sur le marché du digital : où en sont-elles par rapport à leur secteur et aux tendances globales ? Quelles sont les grandes dynamiques en jeu, les défis spécifiques auxquels elles font face, et comment peuvent-elles identifier des pistes pour surmonter ces obstacles ?

Au-delà de cette dimension d’évaluation, l’objectif central de cette étude est d’approfondir notre compréhension des enjeux du marché digital. Il nous permet d’identifier plus finement les défis de nos clients. L’ambition est d’améliorer notre capacité à les accompagner en anticipant leurs besoins et en proposant des solutions adaptées. Ce travail repose sur un équilibre entre les observations que nous tirons de nos projets et les données issues des études de marché, afin d’apporter une vision complète et actionnable.

Quels sont les principaux enseignements que vous avez tirés de cette étude concernant la performance digitale des entreprises françaises ?

Virginie : Cette étude montre que si les entreprises françaises perçoivent positivement leur transformation digitale, il reste des défis importants à relever, notamment en matière de cybersécurité, de déploiement de l’agilité à grande échelle, et d’intégration des expertises IA et data pour accélérer leur performance digitale.

Pour revenir sur la perception globalement très positive de la maturité digitale, (91% des CDO interrogés estiment que leur entreprise est en avance en matière de digitalisation), c’est un point commun qui ressort dans tous les secteurs et types d’entreprises. Cependant, il est important de souligner qu’il s’agit bien d’une perception déclarée, ce qui introduit forcément un certain biais. En creusant davantage, on remarque des situations plus contrastées selon les secteurs ou les niveaux de l’entreprise, ce qui laisse entrevoir un décalage possible entre cette perception et la réalité.

Sur la cybersécurité, c’est un enjeu qui émerge de manière particulièrement marquée. Cela fait partie du top 3 des principaux enjeux dans les années à venir pour les CDO. Cela apparaît dans notre étude comme un sujet central, bien qu’elle ne soit pas encore toujours perçue comme prioritaire dans les feuilles de route digitales. Pourtant, avec l’actualité que nous connaissons, il est clair que c’est un axe stratégique qui mérite davantage d’attention.

Ensuite, l’étude met en lumière le rôle majeur que joue l’intelligence artificielle dans la transformation digitale. Les chiffres montrent que l’IA s’intègre naturellement dans la transformation digitale globale, malgré des niveaux de maturité différents. Cela confirme notre intuition chez ekino : pour réussir les projets les plus ambitieux, il est essentiel de combiner les expertises digitales et data. C’est d’ailleurs dans cette optique que nous avons intégré dès le départ toutes les expertises (tech/design/data/consulting) au sein des mêmes équipes, afin d’accompagner nos clients de manière encore plus efficace sur ces sujets.

Vous avez interrogé 300 CDO en France. Quels secteurs ont montré les plus grandes avancées en matière de digitalisation et pourquoi ?

Virginie : Les secteurs financiers, comme la banque et l’assurance, ainsi que les télécoms, sont en tête en matière de digitalisation. 97% des CDO de ces deux secteurs déclarent avoir mis en place une stratégie digitale. Cela s’explique principalement par la nature même de leurs métiers, l’exigence croissante des clients et la pression concurrentielle.

Dans la banque et l’assurance, les clients attendent des services accessibles en ligne 24h/24, ce qui a poussé ces secteurs à accélérer leur transformation digitale pour offrir une expérience fluide et optimisée. L’émergence de nouveaux acteurs comme les fintechs et assurtechs a renforcé cette dynamique, en imposant des standards toujours plus élevés.

Les télécoms, de leur côté, bénéficient d’avancées technologiques majeures telles que la 5G et la fibre optique, qui transforment les usages et encouragent l’innovation. Ces deux secteurs disposent d’une grande quantité de données, qu’ils exploitent pour anticiper les besoins, améliorer l’expérience client et développer de nouvelles offres. La position de pionnier de ces deux secteurs en termes de digitalisation repose donc sur une combinaison de pressions externes, d’opportunités technologiques et d’une capacité à exploiter efficacement les données de leurs utilisateurs.

Selon votre étude, 91% des entreprises estiment être en avance en matière de digitalisation. Quels facteurs contribuent à cette perception positive ?

Virginie : Cela s’explique principalement par l’accélération provoquée par la crise sanitaire. Cette période a obligé les organisations à adopter rapidement des outils numériques pour maintenir leurs activités, notamment grâce au travail à distance et à la digitalisation des processus internes. Cette transformation a permis d’améliorer l’expérience collaborateur, en facilitant la collaboration et la productivité, tout en répondant aux nouvelles attentes des clients. La mise en place de services en ligne plus performants et de solutions agiles a ainsi renforcé leur capacité d’adaptation.

De plus, l’essor de technologies clés comme l’intelligence artificielle, l’automatisation et le cloud a accéléré des initiatives déjà en marche, consolidant la confiance des entreprises dans leur progression digitale.

Le Digital Radar fait ressortir que 98% des entreprises interrogées ont misent en place une stratégie digitale. Quelles sont les caractéristiques des stratégies les plus efficaces ?

Virginie : Les stratégies digitales les plus efficaces se distinguent par des objectifs clairs, mesurables et atteignables, définis dès le départ. En fixant un cap précis, elles assurent l’alignement des équipes et une vision commune du projet. Pour s’assurer que ces objectifs restent atteignables, elles intègrent des mécanismes de mesure continue. Ce suivi régulier permet d’identifier rapidement ce qui fonctionne, d’ajuster les actions si nécessaire et de favoriser une amélioration continue tout au long du projet. Mais une stratégie performante ne se limite pas à la technique : elle place l’expérience utilisateur au cœur des priorités. Qu’il s’agisse des clients finaux ou des collaborateur·rice·s internes, répondre concrètement à leurs besoins garantit l’impact et la pertinence des initiatives. C’est d’ailleurs une approche déjà largement adoptée par des secteurs comme la banque-assurance ou les télécoms.

Pour que l’ensemble fonctionne, une gouvernance structurée est essentielle. Elle définit clairement les rôles, les responsabilités et le positionnement des entités clés, comme les digital factories, afin de fluidifier la prise de décision et la mise en œuvre des projets. En combinant des objectifs précis, un suivi rigoureux, une approche centrée sur l’utilisateur et une gouvernance efficace, ces stratégies maximisent leurs chances de succès et de durabilité.

Sur ces 98%, seule 1 entreprise sur 2 a observé des résultats concrets, comment vous l’expliquez ?

Virginie : Cela peut s’expliquer par le manque d’outils de mesure adéquats et la difficulté à définir des objectifs clairs dès le départ. Pourtant, c’est essentiel pour assurer l’efficacité d’une stratégie digitale. Mesurer les progrès tout au long du projet permet d’identifier rapidement ce qui fonctionne, de rectifier les actions en cours et de maintenir une dynamique d’amélioration continue. Sans ces mécanismes de suivi, les résultats peinent à se concrétiser. Par exemple, certaines entreprises peuvent avoir une perception positive de leur maturité digitale sans avoir mis en place des outils de mesure efficaces pour évaluer réellement leurs progrès. 

Justement, quels sont les principaux défis auxquels les entreprises sont confrontées lorsqu’elles intègrent le digital dans leurs opérations ?

Virginie : Les principaux défis liés à l’intégration du digital dans les opérations incluent la mesure de la satisfaction des utilisateurs finaux, la communication interne sur les objectifs et les résultats, et les difficultés de collaboration entre départements. La mesure de la satisfaction reste un frein majeur pour 31 % des entreprises. Si des indicateurs comme le NPS (Net Promoter Score) sont utiles pour quantifier les résultats, ils ne suffisent pas à expliquer les causes sous-jacentes. Des approches plus qualitatives, comme la recherche utilisateur, permettent d’aller au-delà des chiffres pour identifier précisément les points de blocage. L’intelligence artificielle facilite également l’analyse de larges volumes de données, apportant des réponses concrètes et exploitables. Dans le cas d’un de nos projets, la puissance de l’IA combinée à la recherche utilisateurs a permis d’analyser finement et rapidement les retours des clients, permettant à la marque d’ajuster ses communications, ses interactions et ses services.

La communication interne représente un autre défi, en particulier pour les Digital Factories. Clarifier leur rôle, leurs objectifs et leur impact reste essentiel pour mobiliser les équipes et démontrer leur valeur ajoutée. Sans outils de suivi adaptés, cette transversalité devient difficile à assurer.

À cela s’ajoute le fonctionnement en silos qui persistent dans de nombreuses entreprises. Même si 96 % des entreprises déclarent avoir adopté une culture de l’agilité, celle-ci reste souvent limitée à certains périmètres, comme les équipes digitales. Lorsqu’il s’agit de faire collaborer des directions métier, la DSI ou d’autres départements, des silos subsistent, ce qui freine l’impact global des projets. Déployer une culture agile à l’échelle de l’organisation devient alors un levier crucial pour dépasser ces silos et aligner les efforts.

Ces défis montrent que la transformation digitale nécessite d’équilibrer les avancées technologiques avec des évolutions organisationnelles et culturelles.

Quels outils digitaux sont les plus couramment utilisés par les entreprises pour améliorer leur performance et pourquoi ?

Virginie: Avant d’entrer dans le détail de ces outils, il est important de noter qu’ils répondent avant tout à des priorités claires : gagner en productivité, accompagner les équipes dans le développement de leurs compétences, optimiser l’expérience client et s’assurer d’une organisation plus flexible et performante. Plusieurs types d’outils digitaux se démarquent aujourd’hui dans les entreprises, chacun répondant à des besoins spécifiques pour renforcer la performance.

En tête, on retrouve les outils sollicitant l’Intelligence Artificielle et la GenAI, utilisés par près de 50 % des entreprises. Leur impact est particulièrement visible sur la productivité des équipes (93 %) et leur engagement (95 %). Grâce à leurs capacités avancées d’analyse et d’automatisation, ils permettent de traiter rapidement de grandes quantités de données, d’automatiser des tâches répétitives et de libérer du temps pour des missions à plus forte valeur ajoutée.

Viennent ensuite les outils dédiés au développement des compétences, utilisés par 47 % des entreprises. Les plateformes de formation en ligne et de partage de connaissances jouent un rôle clé dans l’amélioration continue des compétences des collaborateur·rice·s, un enjeu essentiel dans un environnement en constante évolution. Les solutions pour améliorer la communication, l’expérience et l’engagement client occupent également une place centrale.

Autre catégorie notable : les solutions de migration vers le Cloud, utilisées par 40 % des entreprises. Le Cloud apporte une flexibilité accrue et facilite une meilleure gestion des ressources informatiques, ce qui est indispensable pour s’adapter rapidement aux évolutions du marché. Enfin, les outils visant à améliorer la production et l’efficacité logistique sont adoptés par 39% des entreprises. En optimisant les processus de production et de logistique, ils permettent d’augmenter l’efficacité opérationnelle tout en réduisant les coûts.

Comment les entreprises utilisent-elles l’intelligence artificielle et la GenAI ?

Virginie : Le Digital Radar confirme la tendance générale de la généralisation des outils d’IA au sein des entreprises. Près d’une entreprise sur deux déclare avoir développé des outils d’intelligence artificielle au sein de leur structure. Il reste cependant encore beaucoup à faire puisque 23% des entreprises citent la mise en place de plus d’outils d’IA comme leur principal enjeu.

Ce qui ressort de notre baromètre est que l’intelligence artificielle et la GenAI jouent aujourd’hui un rôle clé dans deux domaines majeurs : le développement des compétences des collaborateur·rice·s et l’amélioration de l’expérience client.

Sur le plan des compétences, comme je l’ai souligné plus haut, près de la moitié des entreprises s’appuie sur des outils comme les plateformes de formation en ligne et de partage de connaissances pour faciliter la formation continue. Ces solutions, souvent boostées par l’IA, permettent d’adapter les contenus aux besoins individuels et d’encourager l’apprentissage à son rythme. De plus, en automatisant certaines tâches et en optimisant les processus, l’IA et la GenAI ont contribué à améliorer la productivité des équipes. Elles libèrent ainsi du temps pour des activités à plus forte valeur ajoutée.

Du côté de l’expérience client, 47% des entreprises utilisent des outils dédiés à la communication et à l’engagement client, comme les espaces clients, les programmes de fidélité ou les CRM. Ces technologies permettent de personnaliser les interactions, d’offrir des services plus fluides et de renforcer la satisfaction. Par ailleurs, l’IA et la GenAI ont eu un impact direct sur l’expérience client selon 95% des CDO répondants en améliorant la qualité des services proposés, notamment grâce à des analyses prédictives et des recommandations adaptées aux besoins.

Ces chiffres montrent bien que l’IA et la GenAI ne se contentent pas d’apporter des gains d’efficacité : elles permettent une personnalisation accrue, une meilleure satisfaction client et un accompagnement continu des équipes dans le développement de leurs compétences. Cela en fait des outils puissants pour accélérer la transformation digitale des entreprises.

Cette étude dessine un portrait précis de l’état de la transformation digitale en France : des entreprises qui avancent à grands pas, conscientes des opportunités offertes par le digital, mais encore confrontées à des défis majeurs. De la cybersécurité à l’intégration des expertises en IA et data, en passant par le déploiement de l’agilité à grande échelle, les leviers de progrès sont identifiés.

Cependant, ce qui ressort avant tout, c’est une prise de conscience collective : la transformation digitale n’est pas qu’une affaire de technologies. Elle repose sur une combinaison équilibrée entre innovation, collaboration et alignement organisationnel. C’est cette alliance qui permet de transformer une vision en actions concrètes et des initiatives isolées en une dynamique globale, durable et performante.

Chez ekino, nous sommes convaincu·e·s que c’est en travaillant ensemble, en croisant nos expertises en tech, design, data et consulting, que nous pourrons relever ces défis aux côtés de nos clients. Ce Digital Radar n’est pas qu’un outil d’évaluation, c’est une invitation à l’action : agir pour que le digital soit non seulement un vecteur de performance, mais aussi un levier durable au service des entreprises et de leurs écosystèmes.

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